3 ou 4 bonnes raisons de lire Déclaré Absent de Sylvie Etient

Quoi de plus intriguant qu’une disparition au sujet de laquelle tout un petit monde semble s’être fait une raison ?

Tout le monde, peut-être pas. Les parents de Luc, dont le fils a disparu dix ans plus tôt, n’ont toujours pas fait leur deuil. Et puis, il y a Tatiana, la maîtresse de Luc au moment de sa disparition. Une femme pour laquelle il allait justement demander le divorce à Lucie, son épouse, la mère de ses deux filles.

Que ce serait-il passé lors de cette confrontation ? Le pire serait-il arrivé ? Lucie aurait-elle commis le crime passionnel parfait ? Toujours est-il que de cette soirée décisive de rupture, Luc n’est jamais revenu, et pour Tatiana, la raison de son absence, à partir de cette soirée, ne fait aucun doute. Meurtre!

C’est dans ce beau micmac que Liv, notre héroïne, se coince le doigt, et se fait happer le bras… et plus encore : la cervelle. Dès lors, toute sa vie se met à tourner autour de cette énigme dont aucun acteur ne semble tout à fait innocent. Jusqu’à Fidel, l’amoureux de Liv… un homme bien mystérieux, en définitive, presque inquiétant.

Qu’est devenu Luc après son ultime rencontre avec Lucie, sa femme ? Et pour quelle raison ses proches restent-ils aussi discrets ? C’est ce que Liv veut découvrir à tout prix dans le dernier roman de Sylvie Etient : Déclaré absent.

Pour la quatrième fois, Sylvie Etient campe son personnage de femme, plus très jeune, encore désirable et hantée par des désirs encore inassouvis. Pour la quatrième fois, et toujours avec autant de brio.

La qualité d’un roman à énigme (c’est ainsi que je qualifierais Déclaré absent) tient à plusieurs facteurs.

Tout d’abord, il faut des personnages inspirant des sentiments allant de la sympathie vive à l’antipathie catégorique, mais il est également nécessaire que ces personnages soient porteurs de zones d’ombre. L’auteur du roman à énigme doit jouer avec ses fusains de façon à ne jamais révéler tout à fait son dessin (ni son dessein).

Ensuite, il faut une énigme (de la Palisse), et pour qu’elle tienne, il est indispensable que l’auteur du roman sache parfaitement où il met les pieds. Car, ici encore, tout ne doit pas être dévoilé à la fois, chaque élément doit être servi just in time (pas de dessert dans les entrées).

Après, il faut un style et de la mesure. Il est préférable que le style soit simple (pour ne pas empiéter sur le domaine de l’énigme), clair, aéré, et que la mesure soit bonne : ordre et dosage.

Je reconnais toutes ces qualités à Sylvie Etient, et je pense que cela tient à ce qu’elle écrit avec bonheur, goulûment.

Sylvie Etient fait dans la pâtisserie : ses héroïnes, on en mangerait ! Elles ont tout de la religieuse, du baba, elles sont taillées dans la frangipane, elles sont servies sur un plateau.

Sylvie Etient fait dans le professionnalisme. Mais bien entendu qu’on la sent, l’avocate derrière la précision de l’information, la finesse de découpe de la loi ! En carpaccio, elle nous le sert le Code Pénal. Et cela donne au lecteur l’assurance de ne pas lire n’importe quoi, mais un récit précis, documenté… en quelque sorte : un dossier en béton. Et j’oserais dire que derrière cette énigme policière s’en cache une autre, un peu philosophique, mais surtout très humaine, qui nous concerne tous sans exception : ne sommes-nous pas, nous tous, les créateurs de notre réalité ? Et dans ce cas, nos vies ne seraient-elles pas des fictions ?

Et le style. Ah, ben oui, je n’avais pas encore évoqué le style de Sylvie Etient. Elle écrit par petites touches, comme peignaient les impressionnistes. Petites phrases, courtes, sveltes, souvent primesautières. Ce qui donne le sentiment de lire un livre écrit par une amie pour ses amis. Il y a un ton convivial dans ces pages, une simplicité loin d’être simpliste, car on sent bien le soin apporté aux mots.

Tout cela (et plus encore, faut rien divulgâcher !) aboutit à une lecture agréable, un jus de fruit frais

L’interview express

Quelle est selon toi la cause la plus importante qui devrait être défendue ?

Je me rends compte que c’est une question qui ne fait pas sens pour moi. Pendant des décennies j’ai défendu des cas particuliers, des personnes, jamais des causes. Je me rends compte que je reproduis cette approche dans ma pratique de romancière. Je ne suis capable d’aborder le général qu’à travers le particulier.

Qu’est-ce qui te fait avancer dans la vie ?

C’est probablement la faim qui me fait avancer, cette faim que me donne un grand appétit de vie. Pour la direction, c’est probablement le bout de mon nez qui me la donne.

Quel est le truc super important que tu n’as pas encore réalisé ?

Ce truc super important en cours de réalisation, ce « work in progress », est-ce que ça ne serait pas moi-même ?

A quoi aimerais-tu assister avant de quitter ce monde ?

Je n’ai cessé d’assister, impuissante, à ce spectacle terrible des effets dévastateurs de la violence individuelle ou collective, à visage découvert ou masquée. Sa puissance. Toute cette énergie et ce talent mis en œuvre au service de la destruction.

J’aimerais voir un jour la rencontre de l’énergie collective avec un objectif commun. Celui qui nous reste est à présent la survie.

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