C’est en me réveillant ce matin que j’ai entendu cette injonction : « Ma grosse (ou ma belle, ch’sais pus), lève-toi, marche jusqu’à la machine à café, verse-t’en un, et va rédiger #ecrireapropos… du père. Il faut dire que je m’étais endormie, hier au soir, en demandant à mon inconscient de choisir pour moi le thème de mon prochain article.
Voilà, c’est fait.
Sacré inconscient.
Et aussitôt l’œil ouvert, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser ou plutôt de réentendre la chanson de Jim Morrison, « The End ». Father I want to kill you… Et je me suis demandé pourquoi.
Pourquoi faudrait-il tuer le père ? Pourquoi faudrait-il baiser la mère (c’est la suite de la chanson) ?
Bon, alors, le père, disons que la seule fois où j’ai sorti des phrases tirées de lui, c’est dans Adieu Amériques. Je vous laisse juge.
Une seule chose est certaine : je n’ai pas la plus petite idée de qui était mon père ni au sens premier ni au sens second. Au sens second, il est resté un mystère entier. Au sens premier, il paraît que c’est celui dont je porte le nom. Pas Viti, un autre. Pas celui que j’ai eu en naissant non plus. Celui d’après.
Qui est le père ? Pour la mère on sait (en principe, en principe seulement, parce que j’en ai connu qui ont eu de sacrées surprises de ce côté-ci). Mais le père, saura-t-on jamais ?
Donc, primo, écrire sur le père contient cette interrogation initiale : « est-ce bien lui ? » Et ‒ je vais me répéter ‒, en ce qui me concerne, je ne sais toujours pas.
- D’après lui, c’était un coup oui ‒ le jour où il m’avait à la bonne ‒, un coup non ‒ les autres jours de l’année.
- D’après ma mère… Elle me disait : « T’as qu’à regarder ta gueule. » Mais justement… il me semble que je ressemble beaucoup plus à ma grand-mère maternelle qu’à mon père putatif.
- D’après ma grand-mère ‒ oui, celle à qui je ressemble ‒ : « On est tous des bâtards ! »

Un jour, nous nous sommes retrouvés dans un supermarché de l’autostrada. En route pour Naples. C’était en 70. J’avais acheté ce 45 tours, et lorsque nous sommes passés à la caisse, tout le monde nous flashait. Mon père ressemblait étonnamment au chanteur en photo sur la pochette. En tout cas, tête coupée sur ce cliché, car autrement il n’a jamais ressemblé à Peppino Gagliardi. Mais là, pour le coup, la ressemblance était stupéfiante.
Formidable internet, on y retrouve tout ce qu’on cherche, même ce qu’on avait oublié. Ecoutez donc, c’est du vrai sirop des années 70.
J’ai longtemps côtoyé quelqu’un qu’on me commandait d’appeler papa. Nous voici plus proches de la réalité. Je sens qu’on se rapproche du vrai, d’un pas de côté.
Cet homme que Jim Morrison et Freud et je ne sais plus qui encore me conseillaient de tuer, n’était peut-être pas le bon. Doute, doute… c’est ainsi que je me suis détournée de l’idée de meurtre.
La question reste entière : « Peut-on écrire à propos de son père ? » Si pour certains cela semble couler de source… pour vous, peut-être ; pour des gens comme Pagnol, Ernaux, Fottorino, Kafka, Bruckner, etc., ce n’est pas le cas pour moi. Je n’ai en matière de père qu’un » papa d’Épinal », une image floue qui se délite avec le temps. Encore deux ou trois ans et mes derniers pseudo-souvenirs de lui ‒ quelques fables que je me suis racontées il y a fort longtemps ‒ se seront effacés. Je n’ai rien de lui, pas une photo, pas un objet ; j’ai fait presque exactement ce qu’il m’a demandé il y a trente ans : je l’ai effacé. Non, en fait, ce qu’il me demandait, c’était de m’effacer moi-même… là aussi, j’ai presque réussi, Eraser Dad. Merci pour tout. Vraiment.
Voilà, les amis. C’était en direct depuis mon inconscient farceur. Je vous souhaite une bonne continuation, ce que l’univers a de meilleur pour vous, et merci pour votre fidélité.
Deux représentants de l’espèce homo sapiens qui pourraient être castés pour tenir le rôle de « Papa d’Épinal » dans le film de ma vie. L’un ou l’autre m’irait bien. Deux solitaires (j’imagine). Un dans un hameau perdu, en route pour son potager et ses trois chèvres. L’autre perdu dans une grande ville… nous aurions rendez-vous dans un troquet sordide où l’on sert de la bière à pas cher et il me raconterait le blues de sa vie.
scotched je suis !
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Belle réflexion, Catarina… J’y ai adhéré, comme on peut adhérer au mieux à une histoire très différente de la sienne. Creuse encore, la belle, abandonne-toi à cet inconscient qui te surprend au réveil… Et fais gaffe, pas plus de généralités avec les belle gueules burinées et émouvantes qu’avec les autres. Elles peuvent cacher du vent, parfois ;-). Des bises, plein de bises. Michèle
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Les belles gueules burinées ne seraient castées que dans le cadre d’un film (houlà !) :-))))
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