La première représentation connue d’un labyrinthe remonte au paléolithique, entre 3,3 millions d’années et 11 700 avant notre ère. Elle fut gravée par un de nos ancêtres, sur de l’ivoire de mammouth, en actuelle Sibérie.
Certaines images comme le cercle (représentant le soleil ou le ciel), le carré (représentant la terre), ou comme le svastika (qui indique un mouvement de rotation autour d’un centre immobile, symbole d’action, de cycle et de régénération perpétuelle) ont été retrouvées à l’identique aux quatre coins du monde.
Si l’essentiel de ces symboles les plus anciens semble être relié à la nature et aux cycles naturels, je n’ai pas l’impression qu’il en va de même pour le labyrinthe.
Tel que je l’ai perçu, appris et ressenti, le symbole du labyrinthe renvoie uniquement à l’Homme, à son expérience sensible d’un univers infini et inconnu.
Un labyrinthe est un tracé sinueux dans lequel s’imbriquent impasses et fausses pistes, destinées à perdre ou à ralentir celui qui s’y engage. En son centre s’opère une mutation, un accomplissement.
Ce tracé peut être réalisé par la main de l’homme, mais tout aussi bien par la nature : dans tous les contes et légendes où elle apparaît, la forêt tient lieu du creuset où l’on se perd pour renaître à soi. Véritable chemin initiatique, le labyrinthe symbolise le voyage que l’homme doit accomplir à travers les épreuves et les difficultés de sa propre existence. Au centre du labyrinthe l’attend son Minotaure, symbole des forces obscures qu’il héberge en lui, de l’animalité et de la mort. Sa victoire sur le Minotaure est alors une victoire sur soi-même.
Combien de fois dans nos vies nous sommes-nous égarés, puis retrouvés, puis reperdus dans des dédales de mots, de pensées, d’histoires, d’émotions, poussés par le courant vers des impasses riches de sens, tâtonnant dans des couloirs oppressants ou déambulant en quête de nous-mêmes… Car des labyrinthes, dans la vie, il y en a beaucoup. Labyrinthes de nos épreuves, de nos représentations, de nos émotions, de nos initiations…
En cours d’écriture d’Adieu Amériques, j’ai réalisé que je décrivais un labyrinthe après avoir rédigé deux scènes du premier chapitre.
La première qui concerne le père, et la deuxième un représentant automobile montrent comment les personnages peuvent s’extraire du Clos Simone, monde fermé dans lequel vivent les Magliulo. Le père saute par-dessus la murette d’enceinte du jardin ; le représentant s’envole vers l’Amérique.
Une fois posé ce constat, je me suis aperçu que tous les personnages du livre cherchent, d’une manière ou d’une autre, à fuir le périmètre dans lequel vit Anna. Certains réussissent à s’enfuir physiquement : Ariel, vers Israël ; les sœurs Gallucci, vers Brooklyn ; les Goni, vers Aubervilliers. Mam’, la mère, s’extrait du quotidien grâce à sa mythomanie. Quant à Anna, elle n’a d’autre ressource que ses rêveries intimes.
Une fois les derniers mots de cette histoire posés … un chemin dans la lumière éblouissante de la vie, j’ai pris conscience que le labyrinthe d’Adieu Amériques est une pure création intellectuelle. Les matériaux de construction sont une double culture —franco-italienne—, des non-dits, des fantasmagories, des croyances, des apprentissages douteux, des rituels générant chez Anna des émotions fulgurantes et parfois dévastatrices. Mam’ est le Minotaure au centre du labyrinthe, c’est elle, cette mère hallucinée qui génère le dédale et érige autour de sa fille des murailles aux méandres inextricables.
Anna parviendra-t-elle à s’échapper du labyrinthe sans avoir à tuer le Minotaure ? C’est la question clé d’Adieu Amériques.


https://www.lectura.plus/expositions/gustavedore/les-contes-de-perrault/l-edition/13/


Superbe article et oui on retrouve bien l’esprit d’Adieu Amériques dans la fuite, et le labyrinthe. Très belle allégorie.
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