Ah, ah, ah ! Je vous voir arriver… une société sans cou…
J’aurais aussi bien pu intituler ce billet « Vivre dans une société sans con… » ou carrément « sans c… », mais la liste serait alors si longue que ce serait vous inviter à la noyade.
C’est fou à quel point est élevé le nombre des mots de la langue française commençant par c.
C’est donc après les avoir tous épluchés dans mon Robert que j’ai opté pour « cou… », car j’ai trouvé dans la liste un petit trésor.
Alors, allons y en 9 rounds :
Vivre dans une société sans cou… leurs
J’ai eu la chance inouïe de naître à la fin des années 50. Personne ne l’aurait deviné alors, mais nous étions en train de vivre la fin d’un « monde ». Bien entendu, des années 50 je n’ai pas de grands souvenirs. Des sons, des ambiances et les odeurs de la maison, de la plage de l’autre côté de la route, du jardin sous la première pluie d’été. Bref. En revanche, les années 60 je m’en rappelle fort bien : tout en couleurs acidulées, en aurores immaculées, en mer translucide et grouillante de vie. Et les années 70 : une explosion de couleurs psychédéliques, des images polarisées, des symphonies de violet, de tango, de parme, de pink, de magenta, flower color power partout. Dans les années 80, les couleurs déteignent, et progressivement en 90 s’éteignent. Et puis la suite… et maintenant. Gris, gris, gris any where. D’ailleurs, comment expliquer autrement le retentissement du sac d’âneries libidineuses intitulé 50 nuances de gris. Nov langue ? Lapsus ?
Vivre dans une société sans cou…rbe
Je pense bien sûr à la courbe dessinée par le boomerang. Pour continuer à avancer dans la direction de ses désirs de plaisir immédiat, de son ubris, la société actuelle a effacé du mental lambda la notion de courbe, c’est à dire d’éternel retour, de réponse, et même de miroir. Je vis dans une société qui avance en ligne droite appelée « croissance » par exemple. Je vis dans une société qui ne prend même plus la peine de réécrire le passé, elle l’efface, il n’a jamais existé. Eraserhead. Avant elle, il n’y avait qu’une espèce de zoo immonde et ridicule. Cherche pas là-dedans, citoyen-complotiste, y a rien à voir. Elle regarde devant, la société moderne, à travers l’optique des outils de l’expansion économique.
Vivre dans une société sans cou…vercle
Là, je ne peux m’empêcher de penser à la boîte de Pandore. Longtemps, l’humanité a vécu avec un « ciel » au-dessus de sa tête, et longtemps ce ciel-couvercle a été la Loi Naturelle. (Alors, là, il faudrait plusieurs volumes pour expliquer ce qu’a représenté la Loi Naturelle dans la Tradition. On peut lire le Tao Te King qui ne parle pas d’autre chose, mais encore faut-il se procurer pour le comprendre un jeu de clés : quelques années d’études & recherches, rien d’impossible.) Je vis dans une société sans couvercle. Après moi, le déluge. Au cul la balayette, la Loi Naturelle… et jusqu’à l’étiquette.
Vivre dans une société sans cou…tume
La coutume, les rites étaient un rendez-vous, un moment de communion entre les êtres non seulement vivants, mais morts et même imaginaires. La coutume était un liant fort qui remplissait les vides, une pâte à joint qui faisait tenir la mosaïque. On a méprisé la coutume-rite, il n’y en a plus. On l’a remplacée par des fêtes formatées qui n’ont de sens que commercial, ou le foot, ou la rave party. On a remplacé la coutume par la télé, et ensuite, la télé par l’internet, et maintenant l’internet par les réseaux sociaux qui ne sont rien qu’un immense dépotoir émotionnel. La coutume, c’était le groupe vaille que vaille. Au prétexte d’authenticité, de maturité, d’autonomie on a effacé la coutume et chacun se retrouve seul avec son ego en bandoulière. Fas tira, Marius.
Vivre dans une société sans cou…rroie
Je crois que le sentiment de toute-puissance est apparu durant les « trente glorieuses ». Trente ans sans se prendre une baffe monumentale dans la gueule, ça te modifie la tournure d’esprit. Ça te pond aussi une génération qui se prend pour le roi du Japon. Et peut-être même deux générations si on compte à cheval. Quand j’ai poussé mes premiers vagissements dans le monde du travail, années 80, on parlait déjà de ces « anciens » qu’on lourdait sans même leur demander ce qu’ils avaient appris, ce qu’ils savaient si bien faire. Qu’est-ce qu’on en avait à battre ? Ils étaient du monde d’avant, d’un monde dont précisément, on ne voulait surtout plus. Cette courroie, elle symbolisait la fragilité de la vie, du progrès ; elle montrait que le présent dépend du passé, que je a besoin des autres, que je suis les autres. A la poubelle, la courroie. Au cul la balayette avec la Loi Naturelle.
Vivre dans une société sans cou…pables
Je vis dans une société où l’on joue une parodie de justice. Les crimes, les vrais, les terribles, les époustouflants, les irréversibles, les zénormes, ne sont jamais jugés. C’est admis. C’est ainsi. Pas de coupable, pas de crime. Vas-y Nestlé, c’est tout bon. (J’ai écrit Nestlé, j’aurais aussi bien pu écrire…). Il n’y a pas de coupable puisqu’il n’y a pas de responsabilité assumée. Vas-y Pfizer, c’est tout bon.
Vivre dans une société sans cou…lisses
Je veux dire cette partie de la scène hors de la vue des spectateurs. Montrer ce qui se passe en coulisse… on a cru, il y a quelques décennies de cela, que c’était la manière de faire tomber les masques et les privilèges. On a cru (et certains se sont battus et y ont laissé leur peau) que montrer les coulisses était la manière de rendre plus vertueuse la société. Ben, non. On sait maintenant que montrer en même temps le spectacle et les coulisses est la meilleure façon de perdre complètement le sens de la pièce. C’est ballot.
Vivre dans une société sans cou… rage
Courage, définition : Force de caractère, fermeté d’âme devant le danger, la souffrance physique ou morale. Eh bien, je crois que c’est ce dont nous manquons le plus cruellement de nos jours. C’est mon opinion, je la partage. Qu’est-ce que je constate quand j’écoute la radio, quand je fais un tour sur les réseaux sociaux (je n’ai pas la télé, mais ça doit valoir son pesant de cacahuètes), (je n’écoute que France Culture et c’est déjà bien croquignolet) ? Ce que je constate, c’est que plus personne aujourd’hui ne sait où l’on va ; ceux qui nous dirigent encore moins ‒ les macrons ne savent pas qui les mangera, ils croient encore qu’ils seront invités au repas de gala ‒, mais la seule chose qui est certaine, c’est que la nation entière (et les autres sans doute) est plongée dans l’hébétude et l’affolement. Fermeté d’âme devant le danger… non vraiment, je ne la vois nulle part.
Mais tout cela est sans grande résonance à mon sens, le pire est là :
Vivre dans une société sans cou…pellation
Coupellation, définition : il s’agit d’un procédé chimique et alchimique permettant de séparer les métaux nobles et précieux, tels l’or et l’argent, des alliages dans lesquels ils se trouvent. On utilisait par exemple la coupellation pour déterminer le poids réel de l’or ou de l’argent d’une monnaie. Où est la noblesse dans la société où je vis ? Et par noblesse j’entends le caractère précieux, irremplaçable d’une chose ou d’un être ? Quelque soit l’endroit où je me tourne je n’entends que boniments, caquetages. Baratin et jaspinage sont les deux mamelles de la France, on s’y abreuve, on s’y saoule, on s’y noie, on entraîne les copains, on déambule, on rote, on pète, on chie et on vomit d’un même élan. On vend l’or moins cher que le plomb. D’ailleurs l’or, l’Or Natif, qui s’en soucie, qui en veut encore, qui sait seulement ce qu’il a représenté ? Plus un pas en arrière ? Plus un pas en avant ? Pour le chamois aucune sente ? (Freddy Nietzsche). Franchement, à part relire les classiques d’avant le déluge… je ne vois pas. Remonter au temps des alchimistes ? Se « révolter contre le monde moderne », pardon, Julius, mais cela ne sert plus à rien. Il est trop tard. Je crois que je vais seulement m’asseoir, ou mieux me tenir debout, seule, au coin d’une rue et n’attendre personne. Je vais juste attendre en silence de recevoir ma première goutte d’or.

Mais alors, m’enfin… quoi qu’elle a Catarina ? Y a pas le chapitre « Vivre dans une société sans cou… illes »
Ben non, voilà, mes loulous, mes cadets, mes énergumènes, celui-ci je vous laisse l’écrire. En attendant, que ce jour vous soit favorable.
Je dédie cet article à Elen Brig Koridwen
Merci mille fois, ma belle. Chacun de tes mots m’a touchée, ô combien. J’aurais aimé les écrire, mais c’était encore mieux de les lire venant d’une autre. Ainsi peut-on se sentir un petit peu moins seul en ce monde… Je t’appellerai, promis, mais ces temps-ci je ne vais pas fort et, surtout, je suis dans le collimateur. Courage à vous deux !
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