Veux-tu toujours savoir ce qui se cache derrière un livre ?
À nos plus belles blessures, mon dernier roman, est l’aboutissement d’un long cheminement personnel que j’ai choisi de raconter.
Si, dans l’article précédent, je disais comment j’avais perdu mon chemin, tu vas découvrir aujourd’hui comment une rencontre m’a sortie du labyrinthe.
Suite de l’épisode précédent… C’est donc une femme ravinée par ses conditions de vie qui se présente chez un thérapeute. Elle a pourtant « tout pour être heureuse » : un travail bien payé, sans âme ; un lieu pour vivre, si loin de ses racines ; des gens autour d’elle, des étrangers. Si je me laissais aller, je dirais : une épave « fatiguée de son chemin, de la terre, de son but et d’elle-même. Incapable d’avancer encore d’un pas ».
C’est cette femme-là qui est reçue par un thérapeute. Affirmer qu’elle croit retirer un bénéfice de cette séance de soin serait malmener la réalité. Quand on se sent si mal, on n’espère plus un miracle. Ou plutôt si : mais les miracles n’arrivent qu’à Lourdes, non ?
Et puis, qu’est-ce qu’un miracle, en définitive sinon le changement radical et positif d’une situation qu’on croyait bloquée ?
Je pense que l’homme que je recontre alors sait cela. On attend d’un thérapeute qu’il nous sauve. Ou qu’il nous répare. Mais parfois, il nous offre simplement un espace où quelque chose en nous peut se remettre en mouvement.
Que s’est-il passé ? Je serais bien en peine de le formuler. J’étais trop occupée par mon mal-être pour me rendre disponible à l’instant. Je ne peux que recoller a posteriori des morceaux de cette expérience.
L’homme est tranquille. Moi qui bouillais dans mon inhibition d’action, je crois être frappée par l’image de cette tranquillité qui m’envahit pendant qu’il tient entre ses doigts mes poignets.
Ai-je précisé qu’il est acupuncteur traditionnel et que je suis phobique des aiguilles ? Il insiste pour me les présenter avant d’en faire usage. La seule réflexion qui me vient est qu’elles sont belles avec leur lame de fer et leur manche en cuivre torsadé dessinant au sommet une boucle qui les rend un peu semblables à de minuscules gnomons.
Il insère quelques-unes de ces aiguilles en quelques endroits de mon corps sans que j’en éprouve une grande douleur.
Il me parle de mon pouls, de mon foie, de ma vésicule biliaire, et de mon estomac je crois bien. D’un conflit. Et puis, il se tait. Je pense quand même être joliment en train de perdre mon temps.
Après une heure, je me retrouve dans la rue — un autre rendez-vous en poche — et là, ô, surprise, je découvre que je ne marche plus : je vole !
Que s’est-il passé pendant cette séance ? Je suis tentée de répondre que je n’ai jamais cessé de vouloir éclairer cette question. A nos plus belles blessures fait partie de mes tentatives.
Ce jour-là, une rencontre a eu lieu entre une femme en miette et l’acupuncteur Jean-Claude Sergent. Qui a réveillé la dormeuse : l’acupuncture, les aiguilles, le thérapeute, la coïncidence , ou autre chose encore ?
Depuis ce jour de l’éveil, ma vie est devenue autre. Est-ce ma vie ? Je l’ignore et c’est de peu d’importance. Je sais, en revanche, que c’est un chemin qui me va.
Jean Claude Sergent m’a appris deux choses :
- Nous avons tous la capacité à être éveillé et éveilleur. Cette petite étincelle qui passe entre les êtres est notre plus précieuse richesse.
- Quant au thérapeute, il n’est jamais un magicien, et il n’ouvre aucune porte : il se tient simplement à côté pendant que le patient cherche sa propre clé.
Bien des années plus tard, quand, à mon tour, j’ai commencé à m’occuper des autres, j’ai découvert une vérité par expérience : ce n’est pas parce qu’on entrevoit une destination et qu’on tient une carte en main qu’on est sorti d’affaire. Les êtres humains sont si fatigués de souffrir qu’ils veulent se croirent guéris, ils confondent soulagement et transformation. L’impression dure quelques jours… puis la douleur revient, parfois sous un autre masque.
La séance de soin de Jean-Claude Sergent m’avait soulagée. Ce petit battement de silence que les aiguilles avaient opéré en moi, cette minuscule vacance dans l’habituel chaos, avait permis un éveil : le germe de À nos plus belles blessures.
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