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Manifeste pour une autoédition libre !

Il y a ce que l’on dit, et ce qu’on tait. Officiellement, on écrit parce qu’on a une histoire à raconter. Mais souvent, secrètement, on écrit pour rester debout. Pour donner un cadre à l’effondrement. Pour respirer dans une chambre trop étroite. Pour faire exister ce qu’on ne saurait dire autrement.

Et puis vient le moment où l’on veut publier. Partager. Être lu, peut-être reconnu. C’est légitime. Mais à ce moment précis, une confusion s’installe : publier devient la finalité. Et petit à petit, sans même s’en apercevoir, on commence à écrire pour être publié. On modifie une phrase pour “faire plus clair”, un personnage pour “faire plus vendeur”, un genre pour “mieux coller au marché”. Et l’élan initial — ce besoin vital, cette voix nue — se perd. Et l’espace est inondé de textes qui s’efforcent d’obéir aux mêmes directives ; qui respectent les règles, les conseils, les bonnes pratiques.

Le mois de mai est un mois de rupture. Mois des amours et des pavés. Mois des fleurs et des révoltes. Mois où l’on dit qu’on fait ce qu’il nous plaît — même s’il faut parfois réapprendre ce qui nous plaît vraiment.

C’est dans cet esprit que ce manifeste a été écrit. Non pour ajouter une voix de plus à la cacophonie des conseils d’écriture. Mais pour faire silence, juste un instant. Et rappeler ceci : l’écriture n’est pas un produit. C’est un souffle. Une insoumission. Une manière d’être au monde. La littérature n’est pas à vendre !

MANIFESTE DE MAI

Nous ne voulons plus de tutos.
Nous ne voulons plus de guides d’écriture, de calendriers à remplir, de plans en trois actes, de chapitres optimisés pour l’algorithme.
Nous ne voulons plus de ces voix qui disent comment faire, quand faire, à qui plaire.

Nous refusons la normalisation du geste littéraire.
Nous rejetons la tyrannie de la visibilité.
Nous rions des injonctions à la réussite éditoriale.

Nous voulons des textes libres, bancals, bizarres.
Des fragments, des cris, des murmures.
Nous voulons des mots qui n’ont pas peur du silence.
Nous voulons des phrases qui trébuchent, qui cherchent, qui saignent un peu.
Nous voulons l’inutile, le beau, le seul, le sincère.

En mai, écris ce qu’il te plaît.
Pas ce qui plaît aux autres.
Pas ce qui est vendable.
Pas ce qui est conseillé.
Ce qui brûle. Ce qui t’appartient. Ce que toi seul(e) peux écrire.

Parce que l’écriture est un acte.
Parce qu’elle commence là où la peur finit.
Parce qu’elle est ton lieu d’insoumission.


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1 réflexion au sujet de “Manifeste pour une autoédition libre !”

  1. Magnifique manifeste, Mary !

    J’adhère à 100% et j’ajoute (en pensée) ma signature au bas de ces mots nécessaires.

    Trouve ta propre voix. J’ai écrit un truc qui se rapproche de ça très récemment, dans un texte à paraître qui s’appellera « Sur la terre des vivants ». Voici l’extrait :

    « Pendant longtemps j’ai été inhibé parce que je me disais que c’était impossible d’écrire comme Flaubert ou comme Proust. Mes maîtres m’impressionnaient. Je me sentais tellement petit à côté d’eux, sans souffle, sans imagination, dénué de tout sens de l’observation.

    Puis j’ai compris que mes maîtres, en leur temps, ne cherchaient pas à écrire selon un style. Ils s’exprimaient dans une langue qui était la leur, qu’ils avaient forgée pour pouvoir mettre en forme leur monde intérieur.

    J’en suis maintenant convaincu : il faut écrire comme soi-même, pour mettre en forme son propre monde.« 

    Merci pour cet article. Bises.

    Bruno Bonheur

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