Souvenez-vous ! Les premiers chagrins d’amour ne sont pas uniquement des love stories ayant mal tourné.
Au fond, l’amour, quand on est enfant, est beaucoup plus que ce qu’il devient plus tard, chez l’adulte.
Rappelez-vous un instant l’immensité de ce sentiment tel que vous avez commencé à l’éprouver. Jusqu’à ce qu’il soit formaté, l’amour est sans limites et éternel. Comme chante Richard Desjardin : quand j’aime un jour, j’aime pour toujours.
On ne fait pas de calcul quand on est enfant, on est au cœur des choses et des êtres.
On aime autant son animal de compagnie, ou quelqu’un, ou ses amis qu’on aime, ceux-là, à la vie, à la mort.
Retrouver une part de cet amour aveugle et inconditionnel était un de mes challenges en écrivant Adieu Amériques où sont évoquées de nombreuses déclinaisons du sentiment. Et il me semble que l’amour total est celui qu’éprouve Anna pour les deux sœurs Gallucci. Tout y est : l’admiration, la fascination, le charme, le rêve et le désir sensuel pour ces deux filles en qui Anna se cherche et aimerait tant se reconnaître.
Les sentiments profonds ressentis par Anna ne sont pas disséqués dans le livre, mais seulement évoqués, effleurés. Ceci est un choix. Je crois, en effet, que cet amour hors limite est indicible. En revanche, il explose à la faveur d’un événement sans rapport avec elle, mais qu’Anna interprète comme une trahison. La folie et la haine qu’elle ressent alors permettent de comprendre en creux à quel point elle avait aimé ces deux filles et à quel point elle est sans ressources pour exprimer son désespoir, unique fruit de sa passion.
Pour moi, l’enfance est un chaos, et c’est devant ses décombres qu’on mesure enfin la grandeur des sentiments qui nous ont animés.