Le 15 mars 2020, 15 auteurs bouclent un recueil de 15 nouvelles sur un thème commun: La lecture et l’enfant. Ce recueil intitulé Premières Lectures sera rendu public 15 jours plus tard sur la plate-forme de lecture libre en ligne : monbestseller.com
On pourrait évidemment considérer ce recueil comme l’aboutissement d’une rencontre par un travail collectif, mais je pense pour ma part que ce petit livre n’est rien de cela.
De mon point de vue, ce petit livre est une étape dans un processus.
Certes, en parler sur ce ton ne rend pas la chose sexy.
Eh bien, peu m’en chaut.
Oui, peut m’en chaut, car de mon point de vue de membre, ce Collectif a mieux à faire que plaire, intriguer, passionner. Nous ne sommes résolument pas dans une tentative de rapprochement feel good entre personnes bien décidées à attaquer le box-office ; tentatives telles qu’on les voit fleurir dans les réseaux sociaux et dont le propos à peine masqué est de mettre en commun des potentiels d’auteurs pour mieux escalader les marches du Top 10 et vendre plus de livres.
Alors voici quel est mon retour d’expérience de Collectif 15 :
On peut, sans pour autant se connaître intimement, sans s’être encore jamais rencontrés, sans appartenir à une quelconque intelligentsia, sans obéir à un diktat, sans appliquer de règles, sans être ni chef ni soumis… on peut, sans cela, créer une dynamique intelligente.
Une dynamique est plus féconde qu’un résultat. Un résultat fige un objet dans l’espace-temps. Un objectif de résultat contraint le groupe à fonctionner en task force, et une fois l’objectif atteint, les moteurs de la machine s’arrêtent, et il faut redéfinir un autre objectif en répétant la méthodologie dans son ensemble : redéfinir un but à même de remobiliser les acteurs, redéfinir des conditions, des moyens, retrouver les ressorts de la motivation. Relancer les moteurs vers une nouvelle destination prédéterminée.
La nature de Collectif 15 me semble différente. Je crois que le caractère désintéressé de la démarche chez la plupart de ses acteurs a eu une influence décisive sur l’égrégore.
Le « désintérêt » pour une cause dans laquelle on est cependant prêt à s’investir sans compter serait-il capable de déclencher la réaction en chaîne de comportements inattendus et supérieurs à ceux que l’on obtient en suivant une méthode stricte ?
Si cette acception contient une part de vérité, disons alors que Collectif 15 est une entreprise politique et révolutionnaire.
- un groupe n’aurait pas besoin d’une égale implication pour fonctionner
- un groupe bénéficierait de la pluralité d’approches non concertées
- un groupe pourrait trouver spontanément les mécanismes vitaux de fonctionnement
- un groupe pourrait fonctionner sans a priori et sans méthodes particulières (c’est-à-dire sans référence à une instance supérieure physique ou morale)
la dynamique d’un groupe reposerait sur une acceptation du principe de chaos
En définitive, un groupe fonctionnerait-il comme une prairie ?
Pour la jardinière compulsive que je suis, cette hypothèse a tout d’une épiphanie.
Qui sont les jardiniers ?
Ceux qui accompagnent les plantes, ceux qui accueillent leurs différences, leurs présences, ceux qui ne dirigent pas, mais font confiance dans la capacité d’auto-organisation de la nature, mais savent aussi quand cela se révèle indispensable tailler, élaguer, supprimer le nuisible ou l’envahisseur.
Si Collectif 15 fonctionne comme une prairie, il passera par des phases saisonnières d’expansion et de récession, il sera mouvant, autofertilisant. Son cycle de vie sera soumis à des paramètres visibles -pluie, vent, chaleur, sécheresse, humidité-, interventions animales et humaines, etc. et des paramètres invisibles comme la vie souterraine, la dégradation des débris végétaux en humus, les énergies telluriques et toutes autres formes de nano-changements.
Catarina Viti 